
Le devenir de la découverte
27/02/2009 16:21
) Le devenir de la découverte
a.) Utilisation par l'occident
→ La poudre
Les occidentaux ne sont pas les seuls à avoir exploité la poudre noire. En effet, les Arabes entre en possession du secret du salpêtre dès le XIIIème siècle, cela grâce aux relations qu’ils entretiennent avec le Chine depuis le VIIIème siècle. Bien sûr, comme les Chinois et les Byzantins, ils utilisent la poudre noire à des fins guerrières. Contrairement aux Byzantins, les Arabes s’en servent non seulement lors des batailles navales, mais aussi lors des combats terrestres, en particulier lors des Croisades. De plus, les Arabes à cette époque excellaient dans le domaine de l’alchimie. Tout comme en Chine, celle-ci va permettre des progrès au niveau de la chimie. Les alchimistes arabes vont perfectionner la « recette » de la fabrication de la poudre, en n’employant plus que des composés purs, ou du moins purifiés. En effet, le nitrate de sodium contenu dans le salpêtre cause une altération rapide des propriétés de la poudre. Les Arabes purifient le salpêtre non seulement physiquement, mais aussi chimiquement, en le traitant avec une lessive de cendres de bois riche en carbonate de potassium. En jouant sur les solubilités, ils transforment le nitrate de sodium en nitrate de potassium :
2NaNO3 + K2CO3 à 2KNO3 + Na2CO3
Ce travail, admirable pour l’époque, représente l’une des avancées les plus spectaculaires et montre le haut niveau atteint par les Arabes dans le domaine de la chimie à cette époque. Les autres composants étaient également purifiés. Le soufre, recueilli dans les régions volcaniques à l’état originel, était distillé soigneusement tandis que le charbon de bois était obtenu par une combustion mesurée suivie d’un broyage. Ces progrès permettent l’apparition de poudres non plus lentes mais vives, véritables explosifs déflagrants qui peuvent propulser des projectiles à grande vitesse dans des tubes. On les appelle explosifs balistiques.
Des historiens attribuent le tire du premier coup de canon à Abou Youssouf, sultan et pacificateur du Maroc, en 1275. L’arme, simple tube de bois appelé madfoa, projetait une grosse flèche. En 1342, lors de la Reconquista, les Arabes tirent des boulets de fer pour se défendre lors du siège d’Algésiras par les troupes d’Alphonse XI. Malheureusement, la plupart de ces projectiles d’environ 5cm de diamètre passe au dessus des troupes castillanes sans atteindre les soldats. On découvre ainsi que les canons ne sont pas faits pour tiré loin, mais de loin. Cependant les canons apparaissent un peu avant dans l’occident chrétien. En effet, dès 1324, les assiégés de Metz comme les assiégeants de La Réole les utilisent avec succès. Vingt-deux ans plus tard, la victoire écrasante remportée par Anglais contre les Français à Crécy marque un tournant important dans l’histoire des conflits terrestres, car pour la première fois, l’armée d’Edouard III recourt à l’artillerie à poudre sur le champ de bataille, en rase campagne. On utilisa d’ailleurs un nouveau type de bombardes. Ce n’est toutefois pas la cause de leur victoire. C’est au cours de ces guerres que l’usage de la poudre se rependit en Europe. On chercha alors à dominer la science de la pyrotechnie.
On peut dire que désormais la découverte chinoise appartient aux Européens, ceux-ci prenant en mains toutes recherches sur sa composition. Les doses sont amenées à varier selon l'utilisation portée à la poudre :
pour la poudre de mine lente:
30% de charbon (dont 90% carbone) + 30% de soufre (S) + 40% de salpêtre (nitrate de potassium KNO3)
pour les pièces de feux d'artifices:
10% de charbon + 15% de soufre et 75% de salpêtre
pour la poudre de chasse:
12% de charbon + 10% de soufre + 78% de salpêtre
pour la poudre de guerre:
12,5% de charbon + 12,5% de soufre + 75% de salpêtre
pour la poudre à canon:
75% de salpêtre, 10% de souffre, 15% de charbon
Si composition de la poudre à canon elle n’est, au cours des siècles, peu amenée à évoluer, ce n’est pas le cas de ses techniques de préparation. En effet, on avait l’habitude de prendre des mesures de précaution. On avait coutume de broyer séparément soufre et charbon, jusqu’à obtenir une poudre homogène. Le mélange de salpêtre, mixé dans de l’eau, à raison d’1,5 litre d’eau pour 10 kg de poudre, n’était ajouté qu’en fin de préparation. Ces opérations étaient faites avec des pilons proche de ceux des métallurgiques, mis en mouvement par des roues hydrauliques. En France durant la Révolution et le Premier Empire, les besoins en poudre furent si élevés que l’on dut user de techniques plus dangereuses mais plus rapides. Durant cette période, les ingrédients étaient broyés par la force des bras dans des tonneaux tournants remplis partiellement de gobilles, de petites billes de bronze.
Essai de la poudre (XVème siècle) Essai de salpêtre (XVème siècle) Poudrier au pilon (vers 1400)
Purification du soufre (XVème siècle) Tamisage de la poudre Dantzig (vers 1570)
Par ailleurs, jusqu’au XVIIème siècle, malgré une préparation soignée, on n’arrivait jamais à obtenir une poudre totalement homogène, ce qui nuisait à ses effets balistiques dans la mesure où sa vitesse de combustion n’était pas fiable. C’est pourquoi, vers 1700, on commence à utiliser la poudre sous forme de grains. Pour cela, on brisait une galette de poudre dans un tamis spécial appelé guillaume. Les grains étaient ensuite sélectionnés selon leurs diamètres et polis. Après le polissage, les grains devaient mesurer environ deux millimètres de diamètre. La fabrication de la poudre était alors plus compliquée et dangereuse, mais le résultat obtenu était d’une qualité bien supérieur, car pour une même masse de poudre, on parvenait à avoir des résultats identiques d’un tir à l’autre.
Cependant, malgré ces améliorations, la poudre noire possède encore un certain nombre d’inconvénient majeurs. En effet, elle est à l’origine d’inflammations intempestives causant nombre d’accidents. Le risque d’explosion accidentelle est renforcé par le fait que les grains, lors des transports notamment, se réduisent progressivement en poussière. Cela nuit également à son efficacité. De plus, la poudre absorbe petit à petit l’humidité de l’air, ce qui réduit, voir annihile ses propriétés balistiques, et dégage une fumée épaisse qui rend plus aisé le repérage des positions par l’ennemi. Enfin, sa combustion produit des solides qui encrassent les tubes. Le chemin vers la poudre idéale s’ouvre lorsque qu’en 1788 le chimiste français Claude Louis Berthollet découvre le chlorate de potassium, qui possède d’exceptionnelles propriétés carburantes. Berthollet tente alors de préparer de la poudre en remplaçant le salpêtre par sa découverte. La poudre qu’il obtient n’est plus déflagrante mais brisante. Mais malheureusement, après plusieurs essais meurtriers de fabrication de sa poudre en vrai grandeur, Berthollet abandonne ce qui est considéré comme la première poudre brisante de l’histoire. Finalement l’invention de Berthollet servira à confectionner les premières allumettes chimiques, dites Lafumade, qui ne seront remplacée qu’en 1830 par les allumettes au phosphore.
1788 est également l’année de la découverte du trinitrophénol, HO-C6H2(NO2)3. Cependant, les propriétés explosives de l’acide picrique ne furent décelées qu’au début du XIXème siècle. En effet, chauffé en présence de chlorate de potassium, il explose. De nombreuses poudres expérimentales virent le jour comme la poudre Fontaine, Abel, Dessignole ou Brugère, mais les recherches furent stoppée en 1809 par un terrible accident place de la Sorbonne. En 1800 le chimiste britannique Edward Charles Howard obtient du fulminate de mercure en faisant réagir le nitrate de mercure sur l’alcool éthylique. De la même manière, il préparera le fulminate d’argent, qui a la particularité d’exploser sous l’effet d’un choc. Le fulminate d’argent sera très utilisé pour amorcer le départ d’autres explosifs.
Cependant, c’est en 1846 qu’a lieu la découverte la plus importante. En effet, un chimiste de Bâle, Friedrich Schönbein, prépare la nitrocellulose, appelée fulmicoton. Si Schönbein garde secret la manière dont il l’a obtenu, c’est que le fulmicoton avait déjà été découvert dix ans plus tôt par un Français, Jules Pelouze. Toutefois Pelouze, qui appelait alors sa découverte xyloïdine, ignorait tout de ses propriétés explosives. Pour obtenir de la nitrocellulose, il suffisait de faire réagir l’acide nitrique avec du coton, la présence d’un peu d’acide sulfurique facilitant la réaction. Le fulmicoton va représenter un tournant dans l’histoire de la poudre, car il permettra la réalisation d’une poudre « sans fumée ». En effet, jusqu’à l’arrivée de la nitrocellulose, les combustibles (carbone, soufre) et l’oxydant (nitrate de potassium) étaient chimiquement séparés. Cela nuisait à l’homogénéité du système réactionnel, et la durée de conservation de la poudre se voyait ainsi réduite. De plus, l’unique utilité du potassium était d’apporter les groupes NO3, et sa présence lors de la combustion produisait des solides néfastes à la propreté de l’arme. La découverte de composés nitrés comme l’acide picrique et le fulmicoton représentent donc un progrès capital, car les oxydants NO2 sont désormais incorporés au sein même de la molécule. On obtient donc une parfaite homogénéité de la poudre, une très faible sensibilité à l’humidité de l’air (du à l’absence de sel hydroscopique), une stabilité au cours du temps, l’absence de cendre et de crasse et peu de fumée. Néanmoins, la synthèse de la molécule nitrée de base et la mise au point d’un explosif utilisable à partir de cette molécule sont deux choses différentes. Ainsi, la nitroglycérine fut découverte en 1847 par Ascanio Sobrero, chimiste italien travaillant sous la direction de Jules Pelouze. Mais c’est une autre élève de Pelouze, le Suédois Alfred Nobel, qui, après plusieurs accidents désastreux, parviendra à obtenir en 1867 un explosif utilisable, la fameuse dynamite. En effet, mélangée à un solide appelé Kieselguhr, la nitroglycérine devient beaucoup plus sûre à transporter et à manipuler. Elle reste stable et explose seulement sous l’effet d’un détonateur.
Pour en revenir à la poudre elle-même, c’est à cause de sa mise en œuvre délicate que les premiers essais balistiques avec le fulmicoton furent assez décevants. En effet, cet explosif avait un caractère brisant, ce qui conduisait régulièrement à l’éclatement de l’arme. La France renonça à la fabrication industrielle de cette poudre, appelée pyroxyle, à la suite de la terrible explosion de l’usine du Bouchet en juillet 1848. Cependant, d’autres pays se montrèrent plus persévérants. Ce n’est qu’en 1884 que le chimiste français Paul Vieille parvient à gélatiniser la nitrocellulose. Cette opération, réalisée à l’aide d’un mélange d’alcool et d’éther, attribue à la poudre un régime de déflagration déterminé. Sa poudre est appelée poudre B ou poudre blanche.
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